Récits

Les Cygnes sauvages

Traduction Marie-Claude White

Le Livre

1990 / 2013

Récit
21 x 14,8 cm
114 pages
Livre broché
ISBN 9782360540884
Éditions Le mot et le reste, Marseille

Dans Les Cygnes sauvages, Kenneth White nous conte le récit d’un voyage qu’il effectua pour atteindre le Nord rugueux et sauvage du Japon : Hokkaidô, ses ports et ses montagnes. Point de départ : Tokyo, la ville tentaculaire. Après quelques jours passés à s’imprégner des signes de cette ville chaotique, l’auteur part pour le nord. Accompagné de Bashô, poète japonais du XVIIe siècle initié au zen, qui fit aussi route vers le nord, il remonte peu à peu l’île principale de Honshû, s’enfonce dans l’arrière-pays, franchit le détroit de Tsugaru, arrive à Hokkaidô, cette terre que les Japonais ont conquise sur les Aïnous, un peuple de pêcheurs et de chasseurs implanté au nord du Japon et à l’est de la Russie, et où, chaque année, des cygnes sauvages migrent depuis la Sibérie. Dans un registre unique alliant expérience physique, poésie dynamique, pensée vive, le texte rapide et à niveaux multiples de White est plus qu’un livre de voyage, c’est un livre qui ouvre un espace de vie profond et intense.

Présentation de l’éditeur.

Extrait

Depuis quelque temps, l’idée mûrissait dans mon esprit d’une virée au Japon, qui serait un pélerinage géopoétique de plus : un hommage aux choses du Japon (choses précieuses et précaires) et un voyage-haïku dans le sillage de Basho, un récit rêveur de routes et d’îles, un plongeon elliptique dans le Vide – bref, un petit livre nippon extravagant, plein d’images et de pensées zigzaguantes, écrit dans le « style blanc volant », comme disent les peintres.
Après cela, me disais-je, je me terrerai dans mon observatoire cosmologique de la côte bretonne (pour travailler au prochain cycle) et arpenterai les chemins côtiers encore peu fréquentés, vêtu de vent, de pluie et de silence…
Cet automne-là, je me sentais prêt, et avais tracé un itinéraire approximatif.
Je prendrais Tokyo comme point de départ et me dirigerais ensuite vers le nord, pour atteindre enfin le Hokkaïdo.
Assis dans ce café, à l’aéroport de Paris, par un matin ensoleillé de septembre (j’avais quitté la veille mon bel ermitage breton), j’étais attentif aux sons japonais que j’entendais tout autour de moi, en particulier ceux que proférait une longue fille au visage lunaire, et j’ai laissé quelques souvenirs littéraire du Japon me traverser l’esprit : le soleil couchant de Dazaï ; Rugetsu, le professeur de haïku dans la nouvelle de Nagai Kafu : La Sumida ; le jeune étudiant de Kawabata qui marchait seul sur la péninsule d’Izu et rencontrait un groupe de danseurs (« à les entendre parler d’Oshima, mon coeur s’emplit de poésie »)…

Revue de Presse

Qu’est-ce qui pousse l’homme à se mettre en route ? Quel désir l’encourage à marcher dans le vent et la lumière ? Pour quel matin du monde ? Par un bel après-midi de septembre, Kenneth White quitte sa côte bretonne : il veut arpenter le Japon ; il veut gagner Hokkaidô et voir le vol des cygnes sauvages venus de Sibérie pour hiberner au milieu des lacs ; il veut suivre les traces du poète Bashô qui s’aventura dans le Nord et composa, à l’écoute du silence, sa très belle Sente étroite du Bout-du-Monde. Après quelques jours passés à Tokyo, une ville à la poésie secrète et compliquée, l’auteur boucle son bagage et part en compagnie d’un écrivain plutôt amer ; des mots sombres se glissent dans le dialogue : « trop fort, trop tard, rien, cage, arène sociale, piétinement, trahison ». La voiture emmène les deux voyageurs hors de l’enchevêtrement urbain et les conduit vers des endroits où ils pourront, chacun à leur manière, cultiver ce qui a été perdu. Kenji s’arrête dans la ville de ses parents, Kenneth White poursuit l’ascension vers le Nord et gagne le territoire des Aïnous, une minorité ethnique millénaire « noire comme des gitans », écrivait Anton Tchekhov dans l’Île. Un nouvel espace s’ouvre à son esprit : la brume et l’humidité ambiante effacent les contours ; tout est affaire de vent, de pluie et de vide ; la nature semble flotter dans les airs. Ici commence l’autre voyage, celui de la déconstruction, de la perte et de l’éveil. « Afin d’apprécier le vrai bonheur, nous devons voyager vers des pays très lointains, hors de nous-mêmes », affirmait l’essayiste et le médecin Thomas Browne il y a quatre siècles. Pour être heureux, il faut se placer seul devant le visage terrestre et accueillir sa beauté, ajoute Kenneth White ; alors les voix du monde se feront entendre. Magnifique hymne à la vie, Les Cygnes sauvages nous propose d’emprunter le chemin blanc des poètes, un chemin enraciné dans l’âme et le réel.

Aurélie Julia, La Revue des Deux Mondes.

Format Poche, LMR, 2018

Édition originale, Grasset, 1990

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