Essais

Hokusai ou l’horizon sensible

Prélude à une esthétique du monde

Le Livre

1990 / 2021

Essai
16 x 11,54 cm
224 pages
Livre broché
ISBN 978-2-85035-025-2
Réédition
Éditions L’atelier contemporain, Strasbourg

Selon les anciens, pour faire un grand peintre, il fallait trois conditions : élévation de l’esprit, liberté du pinceau, connaissance des choses. Trouver un artiste qui remplit une de ces conditions est déjà rare. Or, dans la vieille ville d’Edo, vivait un artiste nommé Hokusai (« Atelier du Nord ») qui les remplissait toutes à merveille. Si Hokusai sait camper une scène de société avec vivacité, s’il saisit avec une rapidité fulgurante toutes sortes de phénomènes, s’il plonge avec humour dans les fantasmes, c’est peut-être dans les grands paysages qu’éclate son génie à la fois extravagant et serein.

En 1990, cent ans après Edmond de Goncourt, auteur de la première monographie européenne jamais consacrée à un peintre japonais, Kenneth White estimait que « les temps étaient sans doute mûrs pour un essai (genre à la fois informé, pensant, poétique et rapide) sur Hokusaï, qui, tout en puisant dans une masse énorme d’études historiques, socioculturelles et iconographiques, essaie de dégager l’espace propre à Hokusaï et d’ouvrir des perspectives ». C’était nommer à la lettre son ambition et son accomplissement. Trente ans plus tard, cette coupe transversale dans l’œuvre de l’artiste continue de fournir une introduction idéale.

Précisant qu’« il ne s’agit pas dans cet essai de la chronologie d’une vie, mais de la logique, croissante, d’une œuvre », l’auteur choisit de cerner la figure de ce « vieux fou », ainsi qu’il se nomma lui-même, auteur de trente mille dessins qu’il signa sous près de cent noms, à travers cinq « espaces de signes », cinq cercles concentriques, cinq paliers qui conduiraient de la base, les « images du monde flottant », au sommet, les fameuses Trente-six puis Cent vues du Mont Fuji. Jeune et vigoureux chroniqueur de l’effervescence d’Edo ; illustrateur d’une littérature en plein renouvellement ; pédagogue excentrique et profond ; compagnon des poètes et auteur de « grands paysages » : ce sont ces cinq facettes que Kenneth White recompose et arrange à l’aide d’une foison d’archives et d’un choix iconographique.

Dans le sillage de Valéry et de son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, l’écrivain ressuscite ainsi par l’imagination un « artiste du monde » qui sut, dans un élan « cosmopoétique », faire accueil aussi bien à son siècle qu’à « l’esprit des choses ».

Présentation de l’éditeur.

Revue de presse

Hokusai – comme Kenneth White – aime les petits poèmes drolatiques, les scènes satiriques, il s’amuse, mais sait aussi se laisser éblouir par la beauté d’un paysage (l’acmé des Trente-six vues du mont Fuji ?), « des scènes d’où se dégagent, par la ligne et par la couleur, une poésie puissante du monde ouvert », et d’où naît « une sensation d’expansion ». Champ d’énergie, Hokusai inspira notamment par sa Grande Vague au large de Kanagawa les plus grands artistes occidentaux, Debussy (La Mer), Whitman, Melville. Erudit, partageur, savoureux, Hokusai ou l’horizon sensible est un hommage à un artiste-montagne aux cent faces inépuisables.

Fabien RiberyBlog

La réédition de cet essai de Kenneth White se révélait nécessaire. Ces pages n’ont pas pris une ride et il représente une entrée royale pour comprendre l’art de cet artiste japonais extraordinaire, Katsushika Hokusai (1760-1849). L’auteur rend d’abord hommage à Edmond de Goncourt qui a écrit la première monographie sur son compte en 1896 et a largement contribué à le rendre célèbre dans le monde occidental : c’est un geste rare. Son ambition a été de compléter ce travail remarquable et de tenter d’aller au-delà de du simple commentaire d’un historien d’art. Cependant, Kenneth White se montre ici très attentif au contexte historique qui a permis l’épanouissement de l’art de la xylographie et de toute une culture qui a commencé au début du XVIIe siècle et a duré jusqu’au milieu du XIXe siècle et qui a pris le nom d’ère d’Edô la nouvelle capitale (Edô est le nom ancien de Tôkyo). C’est une longue période de prospérité après la fin des guerres incessantes entre les clans les plus puissants et elle a permis l’épanouissement d’un art novateur et populaire avec la publication de nombreux livres illustrés, des affiches de acteurs connus du kabuki, des portraits de courtisanes, des ouvrages érotiques, des textes classiques revisités, etc. Cette présentation est indispensable pour comprendre la recherche d’Hokusai et elle a été faite avec un grand soin, sans néanmoins se perdre dans des dédales historiques insondables. L’auteur a ensuite choisi de mettre l’accent sur l’un des nombreux traits du travail d’Hokusai : le fantastique. Il met ces estampes étonnantes avec les nouvelles écrites par un grand écrivain Akutagawa au début du siècle suivant, ce qui est assez juste. Mais il faut aussi préciser que ce genre s’est beaucoup développé au cours du XIXe siècle et les derniers graveurs de qualités ont exploré ce domaine avec assiduité – c’était sans doute alors très à la mode.

Gérard-Georges LemaireVisuelimage.com

Édition originale de 1990, Terrain vague.

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